La qualité synthétique de cette séquence de huit photographies transforme la proximité avec le réel et l’histoire personnelle du photographe. Il engage ici une forme imprévisible de radicalité.
Il y a toujours cette ambivalence chez ce photographe : accéder par les forces abstraites et empiriques à une modélisation de la vie. C’est par le biais d’une archéologie articulée au registre du vécu que les photographies répondent à une ambition de naturalisation.
Il nous propose une intuition performative et de profilage. Comme dans une enquête, on cherche à décrypter chacun des éléments de l’image : l’oiseau juché sur le délitement possible de sa fragile meringue, le sein de plâtre disposé à l’instar des collections de moulages des beaux-arts, le buste néo-classique frappé par le temps. Pourtant, leur auteur semble les avoir inscrits dans une trajectoire émancipatoire. Comme s’il y
avait une volonté de régler, de requalifier, les histoires qu’elle manifeste et auxquelles répondent les célestes nuées.
Tout agit pour nous interroger in fine sur qu’est-ce qui fait image et qu’est-ce qui fait photographie chez Alexandre Dufaye, particulièrement dans Corpus ? C’est justement qu’il réussit à conférer à ces deux notions une dimension concrète. Il évite le potentiel de la dissolution, des glissements de la représentation. Ici, la photographie tient,
elle nous tient, par les infra-événements qu’elle livre. Car Alexandre Dufaye veut bien distiller des indices et privilégier l’émotion, il n’y a pas de sentimentalisme.
La lumière traduit l’idée de la lumière, les nuages traduisent l’idée de nuage et existent concrètement. Alexandre Dufaye les a préalablement pensés et agencés dans une clarté absolue.
Nathalie Amae,
Curator, Savage Collective